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« TIBET / ZONE DE PAIX » ? Loin du rêve du Dalaï Lama … : une brigade d’artillerie procède à des manœuvres à tirs réels

La brigade d’artillerie du Commandement Militaire du Tibet de l’Armée populaire de libération a procédé à des manœuvres à tirs réels dans une zone située à 4 600 mètres d’altitude. (Photo/81.cn)

 


8 Mai 2019

DANS LES ARCHIVES DE MATCH : « Il y a 60 ans, la fuite du Dalaï-lama à travers l’Himalaya… »

dalai lama 1959
“Cette image appartiennent à l’Histoire : en mars dernier, fuyant les Chinois dans une marche fantastique de trois semaines à travers l’Himalaya, le Dalaï-Lama gagnait les Indes. Nous voici au cœur de l’épopée : le fugitif, avec ses lunettes d’intellectuel, l’habit noir des domestiques dont il s’est affublé, progresse de 15 km par jour, à 5000 m d’altitude, sur son poney blanc harassé. Ses fidèles Khambas le protègent. L’un d’eux a pris cette photo que le frère du Dalaï-Lama vient d’apporter en Occident pour servir devant le tribunal de l’O.N.U.” – Paris Match n° 550, 24 octobre 1959.AP / Sipa

En mars 1959, le Dalaï-lama fuit dans la nuit le Tibet, en proie à une insurrection violemment réprimée par Pékin, pour réapparaître deux semaines plus tard en Inde, au terme d’une épique traversée de l’Himalaya… Avec Rétro Match, suivez l’actualité à travers la légende de Paris Match.

Ainsi commença l’exil du Dalaï-lama. Il y a 60 ans, le chef spirituel des Tibétains quittait secrètement son palais de Lhassa, en proie à une insurrection violemment réprimée par Pékin. Le jeune homme de 23 ans réapparaîtra deux semaines plus tard en Inde, au terme d’une épique traversée de l’Himalaya.

En 1959, le « Toit du monde » n’est plus maître de son destin depuis près d’une décennie. Les soldats de la République populaire de Chine, tout juste fondée par Mao Tsé-toung, avaient envahi le Tibet en 1950, indépendant de facto depuis quatre décennies suite à l’effondrement de l’Empire chinois. Le 23 mai 1951, le royaume himalayen retourne « dans la grande famille de la mère patrie » chinoise aux termes d’un accord en 17 points signé à Pékin.

Le jeune Tenzin Gyatso – le nom de réincarnation du Dalaï-lama, né Lhamo Dhondup – conserve ses fonctions de dirigeant et tente de maintenir son peuple dans la non-violence. Mais la coexistence entre Chinois et Tibétains va tourner au drame. La résistance armée contre la domination chinoise débute en 1956, dans la province du Kham (sud-est du Tibet), avant de s’amplifier, faisant de nombreuses victimes parmi la population.

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Une étincelle met le feu aux poudres le 10 mars 1959. Ce jour-là, le Dalaï-lama doit assister, sans sa garde, lui a-t-on ordonné, à un spectacle au quartier général chinois. Redoutant un enlèvement, quelque 10.000 habitants de Lhassa se massent devant le Norbulinka, le palais d’été du « Dieu vivant », pour empêcher sa sortie. Dans les rues, la foule proteste contre la domination chinoise. La situation dégénère. Le 17 mars, des obus de mortier sont tirés en direction du Palais d’été.

Dans le plus grand secret, le Dalaï-lama, déguisé en soldat, s’échappe dans la nuit du 17 mars 1959 à la faveur de l’obscurité en compagnie de sa famille et de dignitaires, sous escorte de guerriers du Kham. Les troupes chinoises ne découvriront la disparition du Dalaï-lama que deux jours plus tard. Le 21 mars, le palais d’été est lourdement bombardé. Le Potala, le palais-forteresse qui domine la ville, est la cible de l’artillerie chinoise. Le 28 mars, un communiqué de Pékin annonce l’échec de la rébellion et la dissolution du gouvernement local. La répression du soulèvement a fait des dizaines de milliers de morts, selon les Tibétains en exil.

Après avoir quitté Lhassa, le Dalaï-lama et sa suite marchèrent sans s’arrêter pendant deux jours et deux nuits. Premier journaliste français parvenu à Tezpur, en Inde, au pied de l’Himalaya, notre envoyé spécial Georges Reyer nous câble alors un prodigieux récit. Le Dalaï-lama n’est jamais retourné dans son palais du Potala. C’est à Dharamsala, sur les contreforts enneigés de l’Himalaya dans le nord de l’Inde, que le « bouddha vivant », rejoint par des dizaines de milliers de Tibétains, a établi un gouvernement en exil. Aucun pays ne le reconnaît. (avec AFP)

Voici le récit consacré à la fuite du Dalaï-Lama, publié dans Paris Match en 1959…


Paris Match n°523, 18 avril 1959

La fuite surnaturelle du Dalaï-Lama

Par Georges Reyers

Du Toit du Monde aux Indes le Dalaï-Lama est guidé par la Jeanne d’Arc du Tibet.

Brusquement c’est la nuit, la nuit de l’Inde mystérieuse, étouffante, pleine de lueurs et de sortilèges. Il y a tant d’étoiles dans le ciel, si grosses et si près de la terre, que la route en est toute blanche comme un décor d’opéra. Et dans ce décor d’opéra une foule en marche. Drapés dans des voiles mauves, ocres, violets et portant leur baluchon sur la tête avec une noblesse antique, des hommes, des femmes et des enfants marchent à la file indienne sur le bas côté de la route dans la poussière millénaire de l’Inde. Ce sont des pèlerins qui se rendent à Tezpur, dernière station avant l’Himalaya, à la rencontre du dalaï-lama.

Du monastère de Tawang, dans les hautes solitudes de l’Himalaya, où il s’est reposé trois jours dans la méditation et la prière, le Bouddha vivant, qui a échappé par miracle aux troupes chinoises lancées à sa poursuite, a fait savoir que, porteur du cachet rouge attribut de son pouvoir spirituel, il reprenait sa marche vers la vallée du Brahmapoutre, et entrerait bientôt dans sa ville. Chacun sait que la ville où le dalaï-lama entre avec son cachet rouge et son sceptre devient la capitale de son royaume et la Mecque ou la Rome du monde bouddhique. Or cette ville c’est Tezpur qui pour cinq cent millions de bouddhistes dans le monde va devenir pour un temps la nouvelle Lhassa.

Début 1959, le Dalaï Lama sur son trône, à Lhasa, au Tibet.
Début 1959, le Dalaï Lama sur son trône, à Lhasa, au Tibet.
© Hulton Archive / Getty Images
“La fuite du Dalaï-Lama ne put aboutir que grâce à une conspiration de tout son peuple. Pendant les dernières heures qui précèdent l'invasion des Rouges, le mur d'enceinte protégeant Shangri-La le monastère légendaire voit une foule noire s’agglomérer à ses pieds, comme une marée humaine : ce sont les femmes de Lhassa. Elles viennent protéger la fuite de leur jeune souverain. Quand les avant-gardes chinoises auront réussi à briser ce rempart, il sera trop tard : le Dalaï-Lama sera déjà dans la montagne.” - Paris Match n° 550, 24 octobre 1959.
“La fuite du Dalaï-Lama ne put aboutir que grâce à une conspiration de tout son peuple. Pendant les dernières heures qui précèdent l’invasion des Rouges, le mur d’enceinte protégeant Shangri-La le monastère légendaire voit une foule noire s’agglomérer à ses pieds, comme une marée humaine : ce sont les femmes de Lhassa. Elles viennent protéger la fuite de leur jeune souverain. Quand les avant-gardes chinoises auront réussi à briser ce rempart, il sera trop tard : le Dalaï-Lama sera déjà dans la montagne.” – Paris Match n° 550, 24 octobre 1959.© AP / Sipa
“La tribu nomade des Khambas, fidèles jusqu'à la mort, l'attend, emmenant avec elle un poney blanc qui sera pour le Bouddha Vivant une monture de rechange. A l'étape, autour du jeune homme pensif, les cavaliers de l'Himalaya ont le visage de la fierté : le salut de leur dieu est entre leurs mains.” - Paris Match n° 550, 24 octobre 1959.
“La tribu nomade des Khambas, fidèles jusqu’à la mort, l’attend, emmenant avec elle un poney blanc qui sera pour le Bouddha Vivant une monture de rechange. A l’étape, autour du jeune homme pensif, les cavaliers de l’Himalaya ont le visage de la fierté : le salut de leur dieu est entre leurs mains.” – Paris Match n° 550, 24 octobre 1959.© AP / Sipa

Comme les messages de tam-tam lancés à travers la brousse, la nouvelle de l’arrivée du dalaï-lama s’est répandue comme l’éclair de la vallée du Brahmapoutre à la vallée du Gange et des champs de neige de l’Himalaya à la rizière du Bengale. Dans chaque village, dans chaque faubourg, le saddhou, grâce à ses pouvoirs de yogi, a capté l’appel lancé par le dalaï-lama, maître suprême du yoga, et a transmis la nouvelle à tous les fidèles. Si le bouddhisme, une des cinq grandes religions du monde, a presque disparu de l’Inde (trois cent mille bouddhistes pour quatre cent millions d’habitants), ils sont nombreux dans cette région du Népal, du Bengale et du Bihar, dans le nord-est de l’Inde, où le bouddhisme est né il y a plus de deux mille six cents ans. C’est ici, en effet, que le Bouddha Çakya-Mouni, dont le dalaï-lama est la réincarnation, est né et qu’il a eu l’illumination, qu’il a prêché sa doctrine et qu’il a atteint le nirvana, le repos suprême, la délivrance. Ici, près du Tibet, la légende du Bouddha demeure vivante.

Chacun sait dans le moindre des villages que nous traversons que c’est surtout à partir du yoga que le Bouddha a acquis les pouvoirs surnaturels qui lui ont permis d’atteindre la délivrance. Or ces pouvoirs — transmission de pensée à distance, action sur les éléments, possibilité de se placer à travers l’espace, de disparaître et de réapparaître à volonté c’est le dalaï-lama, réincarnation du Bouddha et détenteur de la doctrine sacrée qui les détient. Le choc fut terrible au Tibet et en Inde et dans tout le monde bouddhiste, quand on apprit le coup de force de Lhassa.

Si le dalaï-lama avait été arrêté par les troupes chinoises, c’était la catastrophe, la démonstration faite que le Bouddha vivant n’était qu’un imposteur, qu’il ne possédait aucun pouvoir.

Mais le dalaï-lama s’est échappé. L’heure de la toute-puissance du Dieu vivant éclate. Et le bouddhisme en sommeil en Inde depuis des siècles flambe de nouveau comme il y a deux mille ans.

Tout un peuple à sa rencontre

C’est le miracle. La joie éclate dans tous les foyers bouddhistes. Le jasmin s’amoncelle sur les tables des offrandes, le santal en buisson brûle devant les statues du Bouddha et les lampes à huile entourent les pagodes de leurs guirlandes de flammes. Quittant leur foyer, leurs occupations, des hommes, des femmes, traînant leurs enfants, ont pris la route pour aller à la rencontre du Bouddha vivant.

De toutes les bourgades voisines, mène des faubourgs de Calcutta, des gens sont partis à pied pour parcourir les 700 kilomètres qui les séparent de Tezpur. Certains sans doute n’arriveront jamais. La chaleur, atroce en ce moment, la fatigue, les fièvres auront raison des vieillards et des malades. Plusieurs déjà sont morts. Mais rien ne peut arrêter ce peuple fou de mysticisme pour qui ne comptent ni le temps, ni les distances, ni les épreuves. Que sont 700 kilomètres de route pour ces pèlerins qui une fois dans leur vie doivent parcourir tout le cours du Gange aller et retour, et faire ainsi plus de 6 000 kilomètres pieds nus et nu-tête sous le soleil? Et c’est par milliers qu’ils sont partis pour Tezpur.

Tezpur, dans la province d’Assam, à la frontière du Tibet, c’est le bout de la route, la fin du monde. Le dernier tronçon de la dernière ligne aérienne s’arrête là. Après il n’y a plus rien. Un mauvais chemin ravagé par les moussons s’enfonce vers la vallée d’Assam, une des plus sauvages de l’Inde. Paysage grandiose au creux des collines, le Brahmapoutre, second fleuve sacré de l’Inde, roule en torrent ses eaux jaillies glacées des neiges de l’Himalaya. Car cet infini de sommets arrondis et de pics étincelants de neige qui ne fond jamais, c’est l’Himalaya terrifiant, sans limite, qui s’étend à travers le Tibet jusqu’à la Chine.

C’est de ce monde d’où on ne revient pas — l’Himalaya inspire une véritable terreur aux gens de la plaine —- que le Bouddha vivant est revenu.

Presque seul, traqué par toute une armée, il a déjoué tous les pièges, les embûches de la nature, tempêtes de neige, brouillard, avalanches de pierres, sentiers à flanc d’abîme où les chevaux eux mêmes ont le vertige, et les traquenards des hommes qui mettaient tout en cuvre, même des avions, pour le capturer vivant.

Fin mars 1959 : reddition des insurgés tibétains devant les troupes chinoises.
Fin mars 1959 : reddition des insurgés tibétains devant les troupes chinoises.
© ullstein bild via Getty Images
Fin mars 1959 : les insurgés tibétains déposent les armes devant les troupes chinoises.
Fin mars 1959 : les insurgés tibétains déposent les armes devant les troupes chinoises.
© ullstein bild via Getty Images
Fin mars 1959 : devant le palais du Potala, un interprète chinois annonce au peuple tibétain les mesures prises par Pékin.
Fin mars 1959 : devant le palais du Potala, un interprète chinois annonce au peuple tibétain les mesures prises par Pékin.
© ullstein bild via Getty Images

Une femme voilée le prévient en songe

Cette aventure fantastique, la plus grande chasse à l’homme de l’histoire dans le décor de légende du Tibet, et ayant pour héros le Dieu vivant, le prince des yogis, le personnage le plus mystérieux du monde, suscite une exaltation extraordinaire en Inde, cette Inde qui connaît mieux les héros de sa légende que les personnages de son histoire et qui croit plus au merveilleux qu’à la réalité. S’il y eut jamais un doute que le dalaï-lama ne fût pas la réincarnation du Bouddha, ce doute est dissipé aujourd’hui dans l’âme des foules.

Pour l’Hindou, c’est grâce à ses pouvoirs supra-normaux que le dalaï-lama a réussi à échapper à ses poursuivants. Cette épopée vivante que l’on va se contant à travers les villages à l’heure où les feux s’allument devant les cases et jusque dans les pagodes, c’est du même style héroïque que le Ramayana et le Mahabharata, les grands récits dont l’Inde se berce depuis mille ans.

Cette nuit-là, le dalaï-lama (trois jours avant le coup de force des troupes chinoises) avait quitté son palais-monastère de Potala à Lhassa pour sa lamaserie de Nordulink, dans la haute montagne qui est sa résidence d’été. C’est là que ce jeune homme de vingt-trois ans, qui dans sa cellule de Lhassa passe ses jours et ses nuits à assimiler vingt-six siècles de métaphysique et de science occulte, va se reposer pendant la belle saison. Mais voici qu’il se réveille en sursaut. C’est la pleine lune. Il lui semble voir entrer dans sa chambre une femme voilée qui lui dit: va-t’en, va-t’en. Le lendemain il fait part à son conseiller intime de cette vision dans laquelle il voit une prémonition. Depuis longtemps, il se sait menacé, le bouddhisme étant un obstacle au communisme chinois.

Le lendemain, l’avertissement de la nuit se confirme. Une prêtresse de Bouddha, vêtue de la robe en poils de yak et pieds nus, demande à voir le dalaï-lama. Quand elle eut relevé son capuchon, il la reconnut. C’était Rhipierdorje, la première femme-soldat du Tibet, capitaine des forces féminines dans la troupe de la résistance, cette Rhipierdorje que cinq cents millions de bouddhistes dans le monde considèrent aujourd’hui comme l’héroïne du Tibet, « la Jeanne d’Arc du bouddhisme ». Rhipierdorje — en tibétain, le mot « dorje> signifie à la fois « foudre » et « sceptre » – venait, en effet, prévenir le dalaï-lama que les Chinois se tenaient prêts à l’arrêter et que tout était organisé pour sa fuite.

Le lendemain, le dalaï-lama avait été invité par les Chinois à assister à une grande cérémonie à Lhassa. Mais le peuple, pressentant que c’était là un piège pour l’arrêter, s’était porté à la lamaserie de Nordulinck pour empêcher le Dieu vivant de sortir. Il tente en vain de voir le dalaï-lama ; les lamas répondent qu’il est malade.

Deux jours plus tard, le coup de force éclatait à Lhassa. Les Chinois franchissent les portes du Potala et cherchent en vain le Bouddha vivant. Ne le trouvant pas, ils vont à Nordulinck. Il n’y est pas non plus. C’est alors qu’éclate le tonnerre : le dalaï-lama a disparu. L’avant-veille, par une nuit de pleine lune — c’est toujours par une nuit de pleine lune que se passent les événements importants du monde bouddhique — un groupe de pèlerins tibétains, venu visiter le dalaï-lama souffrant, est sorti du palais monastère vêtu de la traditionnelle robe lie-de-vin à ceinture à poils de yak et coiffé du bonnet jaune.

Traqué par les Chinois, le 14e Dalaï Lama a fuit le Tibet et trouvé refuge en Inde. Le 18 avril 1959, il arrive à la frontière de l'Assam, après avoir traversé la région des territoires de la North East Frontier Agency (NEFA) qui sépare l'Inde du Tibet et de la Chine. Avant de rejoindre la ville de Tezpur où lui et ses partisans sont attendus par la presse internationale, il fait quelques pas pour saluer le comité d'accueil venu l'attendre à la frontière. Derrière lui, coiffé de son chapeau, Gyalo Thondup, un de ses frères aînés.
Traqué par les Chinois, le 14e Dalaï Lama a fuit le Tibet et trouvé refuge en Inde. Le 18 avril 1959, il arrive à la frontière de l’Assam, après avoir traversé la région des territoires de la North East Frontier Agency (NEFA) qui sépare l’Inde du Tibet et de la Chine. Avant de rejoindre la ville de Tezpur où lui et ses partisans sont attendus par la presse internationale, il fait quelques pas pour saluer le comité d’accueil venu l’attendre à la frontière. Derrière lui, coiffé de son chapeau, Gyalo Thondup, un de ses frères aînés.© Philippe Le Tellier / Paris Match.
image  : Le Dalaï Lama en couverture de Paris  Match n°523, daté du 18 avril 1959.© Paris Match

Les sentinelles chinoises les ont arrêtés, leur ont demandé leurs papiers, puis les ont laissés passer. Les lamas ont traversé la ville aux ruelles étroites où les voitures sont interdites, faisant tourner leurs moulins à prières et répondant par des bénédictions aux aumônes que leur donnaient des âmes charitables. Puis ils sont sortis par la porte Sud. Et personne n’a soupçonné que, sous un de ces bonnets, se cachait le dalaï-lama et sous un de ces manteaux, l’intrépide Rhipierdorje.

A Lhassa, c’est l’insurrection, la fusillade; les monastères sont bombardés; tous les amis du dalaï-lama sont traqués, arrêtés; cinq mille hommes de troupe sont lancés à la poursuite du fugitif. Il semble impossible qu’il puisse échapper. Sorti de la grand-route, sans arrêt parcourue par des patrouilles, il n’y a plus que des pistes impraticables où les chevaux tibétains, « les poneys au pied sûr », basculent souvent dans les précipices.

Et, tout de suite, ce sont des pics de 5 000 mètres, coupés par des vallées abruptes et des solitudes désertiques perdues dans les neiges éternelles où l’on peut marcher pendant des semaines sans rencontrer un village.

C’est pourtant en franchissant ces pics et ces vallées, en marchant pendant des jours et des nuits dans ces solitudes de neige que le dalaï-lama poursuit son évasion, guidé par Rhipierdorje et une trentaine de ses hommes les plus dévoués. Dès le début de l’expédition, le dalaï-lama galvanise ses hommes en leur donnant la preuve de son pouvoir sur les éléments. « Avec ce beau temps et cette pleine lune, nous ne réussirons jamais à échapper aux Chinois qui nous cherchent avec leurs avions », avait dit le plus vieux de l’escorte. « Le temps peut changer », avait dit le dalaï-lama. Il se retira et se mit en état de concentration dans la position du Bouddha accroupi. Le soir même, un épais brouillard se répandait sur toute la région de l’Himalaya. Légende, bien sûr. N’empêche que le fait est tellement anormal en cette saison de temps absolument clair que le phénomène a retenu l’attention des services météorologiques.

Pour les compagnons du dalaï-lama comme pour des millions d’Indiens, il n’y a pas de doute, c’est le miracle.

Par les pistes taillées à flanc d’abîme, la petite caravane continue son avance jour et nuit à marches forcées. De village en village, l’escorte grossit de nouveaux partisans, prêts à se faire tuer pour le dieu vivant. Une nuit, ils ont passé un pic de 4 000 mètres, ont échappé à leurs poursuivants et sont déjà presque à mi-chemin de la frontière indienne, quand un khamba rejoint la caravane, annonçant que les troupes chinoises ont retrouvé leurs traces.

– Que faut-il faire, Rhipierdorje ? demande le dalaï-lama à son guide.

– Ce que tu as décidé, Maître, lui répond-elle.

– Alors, fais-le.

“À Tezpur, porte de l’Himalaya, un train spécial envoyé par Nehru attendait le Dalaï-Lama au bout de sa longue marche. Le Bouddha vivant avait encore 2000 km à parcourir pour atteindre sa résidence définitive : Mussoorrie. Il lui fallut trois jours pour faire ce voyage : à chaque gare, des fidèles l’attendaient.” - Paris Match n° 525, 2 mai 1959.
“À Tezpur, porte de l’Himalaya, un train spécial envoyé par Nehru attendait le Dalaï-Lama au bout de sa longue marche. Le Bouddha vivant avait encore 2000 km à parcourir pour atteindre sa résidence définitive : Mussoorrie. Il lui fallut trois jours pour faire ce voyage : à chaque gare, des fidèles l’attendaient.” – Paris Match n° 525, 2 mai 1959.© Philippe Le Tellier / Paris Match
“À l’étape de Sarnath, petit ville où prêcha le Bouddha, un micro et une foule attendaient l'exilé.” - Paris Match n° 525, 2 mai 1959.
“À l’étape de Sarnath, petit ville où prêcha le Bouddha, un micro et une foule attendaient l’exilé.” –
Paris Match n° 525, 2 mai 1959.© Philippe Le Tellier / Paris Match
“Le Dieu Vivant a auprès de lui sa mère, à laquelle il avait réservé un compartiment dans son train. La vieille femme est restée la paysanne qu'elle était lorsque les sages vinrent.” - Paris Match n° 525, 2 mai 1959.
“Le Dieu Vivant a auprès de lui sa mère, à laquelle il avait réservé un compartiment dans son train.
La vieille femme est restée la paysanne qu’elle était lorsque les sages vinrent.”
– Paris Match n° 525, 2 mai 1959.© Philippe Le Tellier / Paris Match

Sa blessure est aussitôt cicatrisée

C’est ainsi que le soir, on raconte déjà l’histoire près du feu où U cuit le riz dans les villages d’Assam, Rhipierdorje scinde la caravane en deux troupes, confie l’une, composée de trente guerriers khambas, au plus sûr de ses hommes et leur ordonne de prendre la direction du sud-ouest, en laissant entendre, dans les villages qu’ils traversent, que le dalaï-lama est conduit au Népal.

Bientôt les Chinois sont avertis et se lancent à la poursuite de la colonne.

Pendant ce temps, Rhipierdorje conduit le dalaï-lama à marches forcées dans la direction d’Assam et atteint la frontière de l’Inde. Les trente volontaires de la mort ne tardent pas à être rejoints. Pour retenir les troupes chinoises dans les champs de neige et les déserts sauvages de l’Himalaya, ils organisent une véritable guérilla; pendant huit jours, ils réussissent ainsi à tromper l’ennemi. Ce n’est que lorsque les rares survivants sont fait prisonniers que les Chinois constatent qu’ils ont été joués. Le dalaï lama est sauvé.

Le maître du yoga a supporté, dit-on, sans la moindre fatigue, cette expédition terrible où il a eu raison des forces de ses compagnons les plus aguerris. Un soir, son poney a glissé et a failli culbuter dans un gouffre. Le dalaï-lama a sauté juste à temps. Blessé à la jambe, il ne s’est même pas arrêté et a refusé qu’on le soigne et la blessure « s’est cicatrisée instantanément ».

Mais ce n’est là que peu de chose pour un yogi qui par le contrôle de sa respiration est capable de faire fondre la neige au seul feu de sa foi, peut se faire enterrer pendant un mois et commande aux éléments. Imaginez si l’on rêve dans les villages de l’Inde où les étoiles sont tout près de la rizière en cette saison. Tandis que cent mille hommes de troupe et des avions continuent à le chercher parmi les champs de neige ou au fond des précipices, le Bouddha vivant a passé la frontière indienne et a atteint le monastère de Tawang.

Tawang, perché sur un pic de 3500 mètres, est un des plus vastes et des plus vieux monastères bouddhistes de l’Himalaya. Quatre cents moines y vivent dans la réclusion et la méditation. Ils disposent de bibliothèques immenses où sont, dit-on, les originaux des célèbres traités secrets, « Livres des Morts tibétains », pratiquent le yoga et se livrent aux exercices métaphysiques les plús secrets du bouddhisme tantrique, tout proche de la magie. Tawang a été le berceau du bouddhisme tibétain. C’est là, il y a plus de mille ans, que le moine bouddhiste Padma Sambhana, venu de l’Inde, vint prêcher la doctrine du bienheureux.

Traqué par les Chinois, le 14e Dalaï Lama a fuit le Tibet et trouvé refuge en Inde. Entre 1959 et 1960, c'est environ 80 000 Tibétains qui vont s'exiler et traverser l'Himalaya pour rejoindre leur chef spirituel. Ici, en avril 1959, un groupe de réfugiés et de résistants tibétains traversant à pied un village indien.
Traqué par les Chinois, le 14e Dalaï Lama a fuit le Tibet et trouvé refuge en Inde. Entre 1959 et 1960, c’est environ 80 000 Tibétains qui vont s’exiler et traverser l’Himalaya pour rejoindre leur chef spirituel. Ici, en avril 1959, un groupe de réfugiés et de résistants tibétains traversant à pied un village indien.
© Philippe Le Tellier / Paris Match
Traqué par les Chinois, le 14e Dalaï Lama a fuit le Tibet et trouvé refuge en Inde. Entre 1959 et 1960, c'est environ 80 000 Tibétains qui vont s'exiler et traverser l'Himalaya pour rejoindre leur chef spirituel. Ici, en avril 1959, un groupe de réfugiés et de résistants tibétains à pied sur un chemin de montagne.
Traqué par les Chinois, le 14e Dalaï Lama a fuit le Tibet et trouvé refuge en Inde. Entre 1959 et 1960, c’est environ 80 000 Tibétains qui vont s’exiler et traverser l’Himalaya pour rejoindre leur chef spirituel. Ici, en avril 1959, un groupe de réfugiés et de résistants tibétains à pied sur un chemin de montagne.
© Philippe Le Tellier / Paris Match

Tezpur attend le dieu vivant

Le Tibet, longtemps livré au sauvage paganisme du culte Bo-Po et L à la démonologie, était préparé à entendre son message. Un siècle plus tôt, le roi Sont Tang-gambo, qui avait vingt-trois ans, âge du dalaï-lama aujourd’hui, après avoir dominé les tribus, avait épousé deux épouses, l’une chinoise, l’autre népalaise, et toutes deux bouddhistes.

C’est ainsi que la Chine et l’Inde ont des attaches profondes au Tibet, puisque ce sont ces deux reines qui ont fait du bouddhisme la religion d’Etat. Si c’est le moine indien Padma Sambhava qui fonda la secte des « bonnets rouges », adepte du tantrisme au Tibet, c’est un Chinois, Tsong-kapa, « qui a vu le jour au pays de l’oignon », qui fonda la secte des « bonnets jaunes », encore plus stricte, telle qu’elle existe encore aujourd’hui au Tibet. C’est lui aussi qui créa le premier grand lamadieu-roi. »

Comme la règle des bonnets jaunes impose le célibat, le grand lama, pape du bouddhisme et roi du Tibet, ne peut avoir un héritier. Pour lui trouver un successeur, on décide qu’on cherchera de par le monde, aussi bien en Chine qu’en Inde, un enfant qui será la réincarnation du Bouddha. Cet enfant, doué de dons et de pouvoirs exceptionnels, est bientôt découvert. Et c’est alors qu’est investi le dalaï-lama. A peine monté sur le trône, à cinq ou six ans, comme le dalaï-lama d’aujourd’hui, le nouvel élu choisit pour assistant son vieux maître qui est, lui aussi, une réincarnation de Bouddha au temps où celui-ci était un des dieux protecteurs du Tibet, et il le nomme panchen-lama.

La structure politique et religieuse du Tibet est ainsi créée. Le dalaï-lama, qui réside à Lhassa, se réserve essentiellement la direction spirituelle du pays et du monde bouddhiste, tandis que le panchen-lama, qui vit retiré dans la lamaserie de Tashilumpo à Shigaste, a le soin des affaires temporelles. D’où la rivalité, née par la suite, entre le dalaï-lama et le panchen-lama, le premier ayant tendance à accaparer tous les pouvoirs et le second à entrer dans l’opposition. Pendant des siècles, les Mongols, les Chinois et les Anglais joueront de cette rivalité pour s’assurer le contrôle du Tibet et être maîtres de ce « toit du monde », position-clé de l’Asie Centrale.

Kalimpong, pas très loin d’ici, est le carrefour stratégique où le Tibet s’enfonce en pointe entre les frontières du Sikkim, du Boutan, d’Assam, du Népal, de l’Inde et du Pakistan oriental. C’est là que les soldats chinois attendaient le dalaï-lama; c’est là que nous l’attendons aujourd’hui.

Sa caravane avance maintenant par petites journées. Le dieu vivant sera à Tezpur dans trois ou quatre jours. Menon, l’envoyé de Nehru (ancien ambassadeur à Lhassa, rien de commun avec Krishna Menon) est parti à sa rencontre. Toute la presse indienne s’interroge pour savoir si le ministre va s’engager à dos de poney sur les pistes des fameuses falaises du Brahmapoutre et tenter l’escalade des derniers contreforts de l’Himalaya.

Et tout un peuple marche vers la nouvelle ville sainte du bouddhisme pour recevoir la bénédiction du Bouddha vivant et voir la mystérieuse Rhipierdorje, l’héroïne tibétaine, « la Jeanne d’Arc du bouddhisme ».

| Publié le 07/04/2019 à 19h00

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